La revue Verso a pris naissance en 1977. Parmi les revues de poésie et de littérature, c’est l’une des plus actives, et elle a publié de nombreux poètes.
 
Il serait inepte de jeter la pierre aux revuistes et boucaniers qui véhiculent aujourd’hui l’art du langage. Revues résistantes depuis des décennies, malgré les lois du pouvoir, elles ont su propager le verbe et la mémoire des écrivains. De ce fait, il existe de la poésie contemporaine.  
 
Le nº 148 de mars 2012 a publié deux de mes textes qui sont extraits de mon livre à venir « Sel »



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Je vous joins donc les textes ce jour. Bonne lecture !
 
 
 
Un jour,
Le poisson-scie
Et le requin-marteau
Ont construit une maison
Tout au fond de la mer.
 
L’homme qui vivait dedans
Il faut le dire
Etait marteau.
Et il sciait des algues et des coraux
En grande quantité.
                                                                                                                    
Et
Quand il eut fini d’amasser
Toute cette végétation dans son pré
Où broutaient poissons et crustacés
Il fit un grand feu.
Les flammes montèrent si haut, si haut
Que les nuages pouvaient apercevoir
Un grand cercle rouge à la surface
De l’étendue salée.
 
Mais le feu a engendré
Une éruption volcanique
Et tous les habitants marins
Ont fui la région.
 
Alors
            Une île a poussé
Au milieu de l’océan.
 
Une île avec des arbres et du sable blanc
Et sur le sable
Une femme nue
Au visage transparent
Portait autour de la ceinture
Des poulpes et une plume de goéland.
 
L’homme qui avait allumé le feu
Se mit à escalader la montagne
Dont le pied se trouvait au fond de l’océan.
Après une lente ascension
Avec ses semelles de plomb
Il arriva à l’air libre
Où criaient les oiseaux palmipèdes
Dans les feuillages du ciel.
 
 
 
 
Quand il vit la femme
Au visage clair
Il eut faim, très faim.
Il caressa les courbes de la nudité
Et l’appela « Écriture »     
 
 Petite histoire




            Il ne fallait pas croire tout ce que l’on disait dans les îles.
Tu n’avais pas un corps d’oiseau
Ni des griffes acérées
Et ton chant n’attirait pas les marins vers les récifs.
Tu n’avais pas une longue queue de poisson
Ni un visage hideux
Ni un gîte au fond d’un gouffre salé.
 
Tu étais une femme avec des courbes voluptueuses.
Ta chevelure ambrée dans le feu changeant du soleil
Et tes yeux avec des trésors enfouis.
Tu avais les seins fermes
Toujours offerts aux mains des vagues
Et nos deux corps s’élançaient dans les ondes ;
Nous nagions au loin.
 
Tu le savais
Que les hommes vivaient dans des flaques boueuses
Suintant la suffisance et la laideur.
 
Tu le savais
Que je reviendrais toujours vers toi
Comme un amant fou.
 
Il ne fallait pas croire tout ce que l’on disait dans les îles.
Tu n’avais pas un corps d’oiseau
Ni des griffes acérées.
 
Tu étais une femme avec des courbes voluptueuses
Une femme fictive
Qui lâchait ses chiens de sable
Parmi les bosquets d’algues
Dans la verticalité d’une mer
Où s’ancraient les navires du rêve.
 
Tu le sais
Que les hommes vivent dans des flaques boueuses
Suintant l’avidité et l’ordure.
 
Tu le sais
Je reviendrai toujours vers toi
Comme un amant fou.
 
Nous nagerons au loin.
 
 
La sirène